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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/193

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LA CRITIQUE DE BOILEAU.

n’y a qu’à mesurer de combien Boileau dépasse Bouhours : on connaîtra à quel point il a pu gagner sa cause auprès de ses contemporains.

Tout cela nous explique le tour que prit la querelle des anciens et des modernes, et pourquoi en somme Boileau y fut vaincu. Ce n’est pas la force de la cabale de Perrault qui l’a accablé. Telle que l’Académie est composée en 1687, elle compte bien six ou sept partisans hautement déclarés des anciens : vous n’en trouvez pas plus de trois ou quatre, et Boileau n’en nomme pas davantage, qui fussent en humeur de batailler pour les modernes. Mais la masse — c’est ce dont Despréaux enrage, et ce qui lui fait comparer l’Académie à une troupe de singes ou la traiter de Huronne, — la masse, peu disposée à se passionner, toute prête à marquer les coups et à applaudir à l’esprit, de quelque côté qu’il fût, était assez détachée des anciens pour les entendre censurer sans scandale et sans révolte ; elle se complaisait dans l’éloge de son siècle, et ce siècle, presque au moment de s’achever, apparaissait comme bien rempli, glorieux et grand. Sans être disposée à substituer le Clovis à l’Énéide, ni M. le Maistre à Démosthène dans les collèges, l’opinion publique était secrètement complice de Perrault, et de plus en plus concevait qu’on pouvait se passer des anciens et trouver la perfection dans les ouvrages des Français. On ne pensait point aller contre les préceptes de l’Art poétique : l’entêtement de Boileau pour les Grecs et les Latins, sa colère contre Per-