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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/194

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BOILEAU.

rault, ne semblaient être que des boutades, des saillies de son humeur originale, dont on souriait, et qu’on n’estimait pas tirer à conséquence.

Cette disposition des contemporains à l’égard de l’œuvre de Boileau dura après la mort de Boileau, et se transmit aux générations suivantes : de là le caractère que prit l’influence de Despréaux au xviiie siècle.

À vrai dire, si l’on voulait relever toutes les traces de cette influence, il faudrait sortir de France, et parcourir toute l’Europe. En Italie, en Espagne, en Portugal, en Allemagne, en Angleterre, et jusqu’en Danemark ou en Russie, l’Art poétique fut plus ou moins en honneur, pendant le xviiie siècle, et investi d’une autorité plus ou moins souveraine. En Angleterre, ses préceptes servent à enchaîner la fougue d’une nature encore brutale ; en Allemagne, il apporte comme un code de belles manières littéraires, comme un formalisme compliqué que ces esprits germaniques mettent leur gloire à pratiquer ponctuellement, avec grande contention et contorsion de leurs facultés encore peu agiles. Au midi, Boileau ramène vers la simplicité et vers le sens commun des littératures épuisées de bel esprit. En Italie, où, quand on est las du cavalier Marin, on a l’art encore si fin du Tasse ou de Pétrarque et le grand art de Dante, l’influence de l’Art poétique s’exerce surtout sur le poème dramatique ; ailleurs elle embrasse tous les genres de poésie. Le caractère et la personne du poète entrent parfois pour