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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/25

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L’HOMME.

Cependant les Satires circulaient ; on les récitait, on en donnait des copies, enfin on les imprimait (1666) ; un plaisant dialogue sur les romans, que Sévigné récitait à merveille, courait aussi le monde. Despréaux était célèbre, et ne voyait plus seulement les grands seigneurs en terrain neutre, au cabaret ou chez des filles. Le monde, le vrai monde le recherchait ; on était curieux de le voir, de l’entendre lire ses œuvres : d’autant qu’il avait un vrai talent de lecteur, et doublait la beauté de ses vers par la justesse de la diction. Plusieurs satires sont produites d’abord chez Mme de Guénegaud et chez le duc de Brancas. L’Art poétique et le Lutrin excitent une vive curiosité ; et les lectures se multiplient : lecture du Lutrin au Luxembourg, chez Segrais ; lectures de l’Art poétique chez Gourville, chez Pomponne, chez le cardinal de Retz, chez Mme de Montespan. Et quel auditoire dans toutes ces maisons : La Rochefoucauld, Caumartin, Mmes de Sévigné, de la Fayette, de Coulanges, de la Sablière, Mme Scarron, Mme de Thianges, tout ce que la postérité connaît comme la plus exquise élite des honnêtes gens d’alors !

Seulement Despréaux n’avait pas toujours été du dîner ou du souper après lequel il était convié à charmer de ses vers la noble compagnie. En somme, il ne fut jamais qu’un étranger de passage dans les salons : il y était infiniment moins chez lui que les Voiture et les Chapelain dans les réduits des Précieuses. Il vécut pour ainsi dire sur la frontière de