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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/26

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BOILEAU.

la société noble, sans bouder, mais sans s’insinuer, se tenant à sa place, dans son monde, par indépendance tout à la fois et par respectueuse modestie. Il ne voulait pas s’aliéner, et il n’aimait pas à se contraindre. Et puis il ne se sentait pas maître du terrain. Ses ennemis, tout couverts de ridicule, ne lui cédaient pas la place. Cotin ne disparut qu’après les Femmes savantes. Chapelain garda toute sa vie la confiance de Colbert ; Mme de Sévigné le visita jusqu’au dernier jour, et quand il fut mort, en plein triomphe apparent de Despréaux, Retz maintenait, non sans impatience, que Chapelain « enfin avait de l’esprit ». On sait le traitement dont le duc de Montausier estimait que l’auteur des Satires était digne pour avoir médit de Chapelain. Ni le Discours sur la satire (1668), ni les flatteuses avances de l’Épître VII (1675) ne le désarmèrent : encore en 1683, il intriguait pour fermer l’Académie à Despréaux, et ce fut seulement à la fin de cette année, que ce brutal seigneur déposa sa rancune, en souple courtisan qu’il était au fond, devant la protection hautement déclarée du roi.

Cependant si les survivants de la préciosité et de la Fronde ne s’abandonnaient pas tout à fait, il ne manquait pas de gens dans la jeune génération pour soutenir le poète de la raison. S’il avait eu un peu de manège, il n’eût tenu qu’à lui de s’implanter dans le grand monde. À la cour même, il avait eu de bonne heure des défenseurs : le chirurgien Félix ; La Rochefoucauld et son fils ; Dangeau ; et puis,