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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/27

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L’HOMME.

conquête plus précieuse, tous les Mortemart, chez qui il semblait que l’esprit fût un héritage de famille. Le duc de Vivonne eut avec Despréaux des relations presque familières, vu la différence des rangs. Mme de Thianges et Mme de Montespan partageaient le goût de leur frère pour ce solide esprit. Mme de Thianges applaudissait à la mission qu’il s’était donnée de régler la poésie ; une anecdote curieuse du Menagiana en fait foi.

En 1675, Mme de Thianges donna en étrennes une chambre toute dorée grande comme une table à M. le duc du Maine. Au-dessus de la porte, il y avoit en grosses lettres Chambre du Sublime. Au dedans un lit et un balustre avec un grand fauteuil dans lequel étoit assis M. le duc du Maine fait en cire fort ressemblant. Auprès de lui, M. le duc de la Rochefoucauld, auquel il donnoit des vers pour les examiner. Autour du fauteuil, M. de Marsillac, et M. Bossuet, alors évêque de Condom. À l’autre bout de l’alcôve, Mme de Thianges et Mme de la Fayette lisoient des vers ensemble. Au dehors du balustre, Despréaux, avec une fourche, empêchoit sept ou huit méchans poètes d’approcher. Racine était auprès de Despréaux, et un peu plus loin La Fontaine, auquel il faisoit signe d’approcher. Toutes ces figures étoient de cire en petit, et chacun de ceux qu’elles représentoient avoit donné la sienne.

Ce jouet ingénieux était l’expression du goût fin de la jeune cour. La Fontaine, à qui l’Art poétique ne s’était pas ouvert, trouve place dans la Chambre du Sublime. Molière n’y figure pas : est-ce parce qu’il était mort ? ou pour sa profession de comédien ? ou parce que ses comédies étaient trop bourgeoises pour le goût des courtisans ?

Pour Mme de Montespan, son estime pour l’auteur des Satires et de l’Art poétique nous mène à faire une