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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/28

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BOILEAU.

observation intéressante. Il est singulier que, de Racine et de Boileau, Mme de Montespan, la maîtresse sensuelle et passionnée, préfère le raisonnable et froid Boileau : tandis que c’est Mme de Maintenon, la sage et discrète personne, qui préfère la poésie tendre et troublante de Racine. On s’attendrait au contraire : mais ces préférences littéraires jettent une vive lueur sur les dessous des caractères. Mme de Montespan, avec sa vie scandaleuse, est une « intellectuelle », et c’est chez la prude que couvent tous les feux de l’imagination et de la sensibilité.

Despréaux ne semble pas avoir mis d’empressement à profiter des ouvertures qu’il avait à la cour. Le roi depuis longtemps avait marqué du goût pour ses vers, jusqu’à quitter le billard une fois pour les entendre, quand Vivonne lui amena le poète, qui récita des morceaux du Lutrin et la fin de la Première Épître, retouchée selon les avis de Condé et débarrassée de la fable insipide de l’Huître et les Plaideurs. Le roi fut charmé des quarante derniers vers, qu’il ne connaissait pas. Il loua le poète, lui donna deux mille livres de pension, avec un privilège pour l’impression de ses ouvrages. Cette scène n’a pu se passer avant 1672. Car le Lutrin ne fut commencé et la Première Épître corrigée que cette année-là. De plus, quel que fût le crédit de Chapelain, et sa rage contre ce « satirique effréné », cette « basse canaille » de Despréaux, aurait-il osé ou pu faire retirer un privilège accordé de la propre