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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/29

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L’HOMME.

bouche du roi ? Or ce fut le 4 avril 1672 que Chapelain obtint de Colbert le retrait du privilège, extorqué, disait-il, par surprise. Il faut placer après cette date la présentation de Despréaux au roi, et les marques de bienveillance qu’il en reçut : c’est sans doute ce privilège si glorieusement recouvré qu’il céda au libraire Thierry, pour imprimer l’édition qui parut en 1674. Quant à la pension, Boileau n’en remercia le roi qu’en 1675 par l’Épître VIII, et les registres des Comptes des bâtimens du roi nous apprennent qu’il ne commença à la toucher qu’en 1677.

Voilà donc Boileau courtisan, et courtisan agréable au roi. Ce serait ici le lieu d’examiner l’accusation tant de fois répétée et si ridiculement grossie qui fait du poète le plat flatteur de Louis XIV. Évidemment les louanges du roi abondent dans les vers de Despréaux : si elles sont méritées, et si elles sont sincères, il est superflu de le rechercher ; ni s’il n’y a pas là une forme de sentiment trop effacée de nos âmes depuis un siècle pour que nous la puissions comprendre. J’admettrai que Boileau a forcé la note, et que nous avons aujourd’hui un plus juste sentiment de la dignité personnelle. Mais s’il y a excès ou mensonge dans l’éloge qu’il fait du roi, c’est à son siècle, et non à lui, qu’il faut faire le procès. Il a pensé, il a parlé comme tout le monde de son temps pensait et parlait. Loin d’avoir dépassé la mesure de langage usité en ce temps-là quand il s’agissait de Louis XIV, il se fit accuser par ses