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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/30

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BOILEAU.

ennemis de froideur et de mauvaise volonté, et l’on trouvait trop de réserve, et plus de leçons que de compliments, dans les morceaux qui nous paraissent, à nous, de pures flatteries.

Au reste, autant que la chose était possible alors, même à la cour, et même devant le roi, Boileau gardait son indépendance et la franchise de son jugement. Dans cette province de la poésie et du goût, où il se retranchait, il ne reconnaissait de souveraineté que celle de la raison universelle, qu’il écoutait parler en lui-même. Il y a vingt anecdotes qui le prouvent, et que tout le monde a lues : Boileau trouvant des vers du roi mauvais, ou trouvant mauvais des vers que le roi avait trouvés bons ; Boileau maintenant contre le roi la bonté d’une locution dont la familiarité choquait la délicatesse du roi ; Boileau lâchant de vives saillies contre « ce misérable cul-de-jatte de Scarron », devant le roi et Mme de Maintenon, au grand désespoir de Racine, qui était infiniment plus courtisan, et menaçait son ami de ne plus se montrer avec lui à la cour.

Sa franchise, au reste, et ses étourderies ne lui aliénaient pas le roi, dont l’esprit droit et le ferme sens étaient merveilleusement propres à goûter les qualités essentielles de Despréaux. En 1677, Louis XIV lui commanda, ainsi qu’à Racine, de « tout quitter » pour se consacrer à écrire son histoire, et Boileau, selon ses propres expressions, « renonça » dès lors à la poésie : non pas aussi complètement que son ami, il n’en avait pas les