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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/31

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L’HOMME.

mêmes raisons intimes ; mais deux chants du Lutrin, trois satires et trois épîtres, une ode et quelques épigrammes, voilà tout le bilan de son activité poétique pendant plus de trente années qu’il lui restait à vivre.

Nous ne savons ce qu’aurait été le règne de Louis le Grand raconté par Racine et Boileau : leur manuscrit, inachevé, périt en 1726 dans un incendie. Sans doute, c’eût été une pièce d’éloquence remarquable, et une médiocre histoire. Outre qu’il était difficile de voir et d’écrire la vérité sur Louis XIV de son vivant, on n’avait pas en France au xviie siècle une idée fort juste des qualités et des devoirs de l’historien : quelques bénédictins savaient seuls alors ce qu’il faut de science, de critique et de détachement pour en bien faire le métier.

Racine et Boileau firent de leur mieux. Ils se faisaient expliquer les traités et les campagnes, interrogeaient Vauban, Luxembourg, Chamlay, Louvois, ramassaient de tous côtés des mémoires, et sans s’embarrasser d’une haute philosophie, tâchaient de mettre les faits dans un bon jour et en bel ordre. Cela n’allait pas sans peine parfois : Despréaux n’arriva jamais à comprendre les causes de l’invasion de la Hollande. Ce qui leur coûta le plus, c’est que pour conter les actions du roi, il fallait accompagner le roi. La première année, tandis que le roi allait en Flandre, ils restèrent à Paris, et s’en tirèrent par un mot d’esprit : « Leurs tailleurs avaient été plus longs à leur faire des habits de campagne