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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/34

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BOILEAU.

s’enveloppaient de doctrine. Tous les lundis, le Premier Président réunissait à sa table vingt-six personnes, magistrats, érudits, poètes, gens d’Église. C’étaient Guy Patin et son cher Carolus, Huet, Ménage, Pellisson, Bossuet, Fleury ; les plus fins jésuites, Rapin, Bouhours, Ménétrier ; l’abbé Jacques Boileau, frère de notre poète, le savant et bizarre auteur de l’Histoire des flagellants, dont on disait qu’il avait plus l’air d’un docteur de la comédie italienne que d’un docteur de Sorbonne. La conversation allait son train dans ces assemblées, non pas mondaine, légère et vagabonde, mais s’arrêtant, s’étalant sur les sujets de littérature, de philosophie, de religion, d’érudition, tantôt inclinant à la conférence académique, tantôt s’échauffant et tournant à la controverse oratoire. C’était après une vive discussion sur le poème épique, et pour montrer que ce genre ne doit pas être chargé de matière, que Despréaux, mis au défi, entreprenait de chanter la querelle des chantres et des chanoines de la Sainte-Chapelle.

À la fin de l’été, pendant les vacances du Palais, M. de Lamoignon s’en allait à Bâville, entre Chartres et Rambouillet. Une partie de sa société l’y suivait ou l’y visitait. Là, on s’émancipait à de plus vives gaietés, encore bien inoffensives : comme il arrive souvent aux gens voués par profession aux graves pensées et aux travaux sérieux, ces magistrats, ces savants et ces prêtres ont le rire serein et facile de l’enfance. Il faut peu de chose, et rien de complexe