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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/35

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L’HOMME.

ou de raffiné, pour les mettre en belle humeur. La Rochefoucauld et Despréaux unissent leur génie pour deviner des rébus que le Grand Condé envoie de Chantilly, et pour en combiner d’autres, qu’ils lui proposent. Une autre fois (c’était à la noce de M. de Bâville) on s’amuse de la colère du P. Bourdaloue, dont Boileau toujours satirique a logé malignement le nom à la fin d’une chanson à boire.

À Bâville ou à Paris, depuis le temps même des Satires, notre poète tenait une grande place dans le cercle des Lamoignon. Ce n’est pas qu’il ait jamais été un brillant causeur ; il manquait de verve, et sa conversation était aimable, mais un peu traînante. Il n’avait pas l’esprit du monde, l’art de faire de rien une chose exquise, l’agilité de la fantaisie légère qui effleure tout. Il lui fallait les sujets qui ont du corps et les entretiens prolongés, où l’on peut s’appesantir sans faire l’effet d’un lourdaud, et s’échauffer sans devenir ridicule. Il se trouvait à l’aise à l’hôtel Lamoignon, parmi tous ces hommes dont les uns appartenaient à la littérature et les autres n’étaient jamais las d’en entendre parler. Il aimait à disputer ; il était têtu, et ne lâchait jamais pied. La contradiction l’excitait peu à peu ; il avait alors des traits imprévus dont la précision assommante mettait les rieurs de son côté. Ce n’était pas ce que nous appelons l’esprit : cette plaisanterie qui se prépare et s’amène de loin, qui a toute une mise en scène, qui se distribue et s’étale dans une série de répliques, nous paraît un peu apprêtée et pesante. Cela ne res-