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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/74

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BOILEAU.

de Dieu est un beau morceau de raison philosophique et de théologie parfois éloquente, où il n’y a pas un grain de poésie religieuse. Mais quand Boileau touche à la satire littéraire, là certainement il est poète. Car d’abord, la matière échauffe sa verve : tout ce qu’il était capable de concevoir d’émotion, se ramasse et se dépense sur ces sujets. Si la poésie vient du cœur, comment ne serait-il pas poète en parlant des lettres, la seule passion ardente de sa vie, et qui l’emplit tout entière ? Il exprimait là le fond intime de son être, les idées dont il vivait ; et c’étaient des idées originales, personnelles, s’il en fut. Cependant, même là, bien que Boileau s’ingénie à imiter le mouvement rapide d’une argumentation serrée, la verve, qui est réelle, n’est pas continue. Le feu du poète s’éteint et se rallume. On reconnaît le mordant causeur, fécond en courtes saillies, à qui il fallait l’excitation renouvelée et le repos intermittent. Jusque dans cette admirable Satire IX, vous apercevrez les points de suture : ce n’est pas un discours fortement conçu et contenant toutes ses parties dans son principe, c’est une suite de morceaux saisissants, dont chacun présente une facette du sujet. Ainsi s’explique encore que souvent, et même dans ses pièces littéraires, Boileau n’aborde pas franchement ses sujets. Il les touche de biais, il s’y glisse comme obliquement, et les idées les plus fécondes de sa critique éclatent comme des saillies au milieu d’un discours dont l’idée générale est peu intéressante. Cela n’est nulle part plus