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Page:Lanson - Boileau, 1922.djvu/75

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LA POÉSIE DE BOILEAU.

sensible que dans l’Épître à Seignelay, où sont semées ces maximes du réalisme classique : « Rien n’est beau que le vrai, la nature est vraie, et d’abord on la sent. Le faux est toujours fade. »

Chacun pris en son air est agréable en soi.

Et cela, à propos d’un ministre ennemi des flatteries, et pour venir à rendre la mollesse responsable de la fausse vanité et des fausses louanges.

En revanche, quelle chaleur, et quel accent, dès qu’il rencontre quelque propos qui touche à la littérature. Lisez la Satire IV sur les Folies humaines. On voit défiler un certain nombre d’originaux, le pédant, le galant, le bigot, le libertin, l’avare, le prodigue, le joueur : toutes ces physionomies manquent de relief ; l’auteur les dessine d’une main molle et développe languissamment son thème. Soudain le trait devient plus net et plus vigoureux, la couleur plus vive ; on sent je ne sais quelle flamme où se trahit l’allégresse de l’artiste qui sait ce qu’il veut faire et est sûr de le faire. C’est qu’il s’agit de Chapelain : en un moment, le bonhomme se dressera devant nous, dans sa fatuité sereine d’auteur sifflé et content, et deux vives images nous donneront la sensation immédiate de ses vers.

Montés sur deux grands mots comme sur deux échasses,


et de son épopée symétriquement dessinée comme le plus ennuyeux des jardins français. Jusque-là Boileau composait avec les idées de sa mémoire ; il assemblait sans conviction des abstractions conçues