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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/14

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RACINE.

moment de loisir, je vais à Port-Royal, où ma mère est maintenant. Elle est malade à l’extrémité, et il n’y a pas d’apparence qu’elle en revienne. Je ne vous saurois dire combien j’en suis affligé, et il faudroit que je fusse le plus ingrat du monde, si je n’aimois une mère qui m’a été si bonne, et qui a eu plus de soin de moi que de ses propres enfants. » Marie des Moulins meurt le 1 2 août suivant, et Racine se sent si désemparé qu’il se retourne vers son grand-père maternel : « Je vous supplie de lui dire que je mets toute ma confiance et tout mon recours à lui, et que j’aurai toujours pour lui toute l’obéissance et l’affection que j’aurois pu avoir pour mon propre père. » C’est là un cri de détresse plus que d’espérance. En effet, les Sconin inspiraient peu de sympathie à Racine, sauf l’un d’eux, chez lequel nous le verrons bientôt, à Uzès. C’est de celui-ci, exception unique, qu’il écrivait à Nicolas Vitart, son cousin du côté paternel : « Il est tout à fait bon, je vous assure, et je crois que c’est le seul de sa famille qui a l’âme tendre et généreuse ; car ce sont tous de francs rustes (rustres). Ôtez le père, qui en tient pourtant sa part. »

Même du côté de sa sœur. Racine ne semble pas avoir trouvé dès l’enfance une affection égale et sûre. Plus tard, après la mort de Pierre Sconin et le mariage de cette sœur, les rapports du poète avec elle prirent un caractère de solidité calme, mais ils avaient commencé par être précaires et troublés. Peut-être que, vivant chacun dans une partie de la famille où ils trouvaient de l’antipathie pour l’autre, les deux enfants avaient subi cette influence fâcheuse.