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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/32

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RACINE.

quelques mots un drame saisissant. Le séjour d’Uzès ne lui a peut-être pas été inutile en lui montrant la passion « portée au dernier excès ».

Un jour il fait un petit voyage à Nîmes. Il dépeint la ville et ses plaisirs en quelques traits vifs et courts. Un romantique, à la vue des Arènes, aurait écrit des pages. Il se contente de dire : « C’est un grand amphithéâtre, un peu ovale, tout bâti de prodigieuses pierres, longues de deux toises, qui se tiennent là, depuis plus de seize cents ans, sans mortier et par leur seule pesanteur. Il est tout ouvert en dehors par de grandes arcades, et en dedans ce ne sont tout autour que de grands sièges de pierre, où tout le monde s’asseyait pour voir les combats des bêtes et des gladiateurs. » N’est-ce pas du même œil net et de la même main sûre que le poète de Britannicus et de Bérénice, dans la mesure de son art et de son sujet, indiquera le décor de la grandeur romaine ?

Ces lettres d’Uzès sont la partie la plus vivante et la plus jeune de sa correspondance. Son caractère s’y montre, avec sa finesse, sa réserve, sa politesse, comme aussi sa complexité. Pour leur valeur littéraire, elle est grande. Plusieurs sont visiblement très soignées. Il suit le tour précieux, à la mode depuis Voiture. Avec un air constant d’élégance attentive et légèrement pincée, il change aisément de ton, selon ses correspondants, poète fleuri avec La Fontaine, quelque peu mauvais sujet avec l’abbé Le Vasseur, à moitié sérieux avec le cousin Vitart, d’une galanterie taquine avec Mme Vitart, familial et janséniste avec sa sœur Marie. Çà et là quelques