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PREMIÈRES TRAGÉDIES.

« Racine, quand il entreprenoit une tragédie, disposoit chaque acte en prose. Quand il avoit lié toutes les scènes entre elles, il disoit : « Ma tragédie « est faite », comptant le reste pour rien. » C’était là une façon de parler, car Brossette complète ainsi le renseignement : « Racine avoit une facilité prodigieuse de faire des vers, mais c’étoit le moyen de n’y pas jeter beaucoup de feu. M. Despréaux avoit appris à M. Racine à faire difficilement ses vers. » De là le mot célèbre qui marque chez Boileau un excès de satisfaction magistrale et quelque injustice pour son ami : « Racine, disait-il, n’étoit qu’un très bel esprit, à qui j’ai appris à faire difficilement des vers faciles. »

De manière générale, l’action de Boileau sur Racine semble avoir eu pour résultat de le détourner des « faux brillants », de le pousser au sérieux et au grand. Selon Brossette, c’est Boileau qui lui aurait indiqué, après la Thébaïde, le sujet d’Alexandre. Sainte-Beuve estime qu’« on lui doit, à coup sûr, d’avoir eu plus tôt le Racine parfait, et de l’avoir eu, dans sa perfection même, plus continuellement ferme et plus inaltérable ». Le poète eut tout profit à se tourner, sur les conseils de Boileau, vers l’antiquité, et en particulier, grâce à son éducation, vers l’antiquité grecque.

En attendant que le génie formé de Racine prenne une direction définitive, ses deux pièces de début, la Thébaïde et Alexandre le Grand le montrent hésitant entre des tendances opposées. La Thébaïde mêlait des éléments très divers, d’abord l’imitation des devanciers et des contemporains, ainsi Rotrou, Cor-