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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/70

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RACINE.

cier, Charles de Sévigné, qui avait beaucoup d’esprit, nombre de brillants seigneurs. On peut conclure de tant de témoignages, divers et contradictoires, que la Champmeslé était jolie et spirituelle.

Ce qui, en revanche, n’est mis en doute que par Louis Racine, c’est qu’elle était une merveilleuse comédienne, qu’elle tirât son talent de son propre fonds ou qu’elle le dût aux leçons de Racine, diseur et lecteur incomparable : « Comme il avoit formé Baron, dit Louis Racine, il avoit formé la Champmeslé, mais avec beaucoup de peine. Il lui faisoit d’abord comprendre les vers qu’elle avoit à dire, lui montroit les gestes et lui dictoit les tons, que même il notoit. » Ceci est en complète contradiction avec ce que les frères Parfaict racontent des débuts de l’actrice. Lorsqu’elle prit le rôle d’Hermione, Racine, craignant qu’il ne fût mal joué par une débutante, avait refusé de la voir et de lui donner ses conseils avant la représenlation ; mais, la pièce finie, transporté d’admiration, « il courut à sa loge, et lui fit à genoux des compliments pour elle et des remerciements pour lui ».

Dès lors, elle créa tous ses grands rôles. Non seulement elle fut à la hauteur de tous, mais elle leur prêta son propre charme, et fut vraiment collaboratrice du poète. Cette union a été consacrée avec une incomparable justesse de termes en des vers célèbres par Boileau. Il semble même que Racine ait écrit pour lui plaire et tirer tout le parti possible de son talent cet admirable rôle de Phèdre, rôle d’« étoile » s’il en fût, qui se subordonne et écrase tous les autres. Elle l’avait prié, disent les frères Parfaict,