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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/75

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CARRIÈRE THÉÂTRALE.

montre bien la lutte que se livraient en elle l’admiration involontaire pour Racine et la partialité cornélienne. Elle écrit d’abord à sa fille : « Racine a fait une comédie qui s’appelle Bajazet et qui enlève la paille ; vraiment elle ne va pas en empirando comme les autres. M. de Tallard dit qu’elle est autant au-dessus de celles de Corneille que celles de Corneille sont au-dessus de celles de Boyer : voilà ce qui s’appelle bien louer ; il ne faut pas tenir les vérités cachées. Nous en jugerons par nos yeux et nos oreilles.

Du bruit de Bajazet mon âme importunée


fait que je veux aller à la comédie ». Elle y va donc, mais, enthousiaste pour l’interprète, elle est tiède pour la pièce :

La comédie de Racine est belle, nous y avons été. Ma belle-fille m’a paru la plus merveilleuse comédienne que j’aie jamais vue…. Bajazet est beau ; j’y trouve quelque embarras sur la fin ; il y a bien de la passion, et de la passion moins folle que celle de Bérénice : je trouve cependant, à mon petit sens, qu’elle ne surpasse pas Andromaque ; et, pour ce qui est des belles comédies de Corneille, elles sont autant au-dessus…. Croyez que jamais rien n’approchera (je ne dis pas surpassera) des divins endroits de Corneille.

Mais elle n’est pas sûre que tout le monde pense comme elle, et par deux fois elle éprouve le besoin de prêcher encore sa foi cornélienne : « À propos de comédie, voilà Bajazet. Si je pouvois vous envoyer la Champmeslé, vous trouveriez cette comédie belle ; mais, sans elle, elle perd la moitié de ses attraits. Je suis folle de Corneille… Il faut que tout cède à son