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Page:Larroumet - Racine, 1922.djvu/77

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CARRIÈRE THÉÂTRALE.

d’admiration que Racine, cette fois, ne laissa voir aucune aigreur. Ses deux préfaces sont parfaitement calmes. Cela ne l’empêchait pas de répondre directement à ses censeurs : « La principale chose à quoi je me suis attaché, ç’a été de ne rien changer ni aux mœurs ni aux coutumes de la nation ; et j’ai pris soin de ne rien avancer qui ne fût conforme à l’histoire des Turcs. » Entendons par là l’histoire générale, car il semble bien qu’il a trop pris au sérieux ses autorités, le comte de Césy et le chevalier de Nantouillet. Par une vue très juste, il établissait le droit de la tragédie à remplacer l’éloignement dans le temps par l’éloignement dans l’espace : « L’éloignement des pays répare en quelque sorte la trop grande proximité des temps. » Et il s’autorisait de l’exemple d’Eschyle traitant le sujet des Perses. Pour les sentiments, ramenant avec une grande sûreté de vues la question à son point capital, il constatait que l’on trouvait dans sa pièce ce qu’il y a de plus essentiellement turc : « l’éternelle oisiveté » du sérail exaltant l’amour et la jalousie, dans le mépris musulman de la mort.

Aux premiers temps de l’Académie française, un bagage assez mince suffisait pour y entrer et la désignation du roi était docilement suivie. Une carrière dramatique comme celle qui, en huit ans, de 1664 à 1672, avait produit six tragédies et une comédie d’un mérite éclatant, aurait pu suffire à Racine. La bienveillance déclarée de Louis XIV fit le reste. Il fut admis, à sa première tentative, et reçu le 12 janvier 1673, le même jour que Fléchier et l’abbé Gallois. Colbert assistait à la séance. Si