Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/103

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quées sur une largeur de quarante pieds. Au moyen de ces lanternes, le chemin demeurait aussi praticable de nuit que de jour. De grands écriteaux indiquaient, à chaque embranchement, toutes les directions pour les divers corps de l’armée. Ainsi les plus minutieuses précautions avaient été ajoutées au développement des plus grands moyens, etc.

« Cependant l’Empereur avait employé l’intervalle des travaux à réorganiser son armée, et à rapprocher de lui tous les corps dont il pouvait disposer. Le prince Eugène lui avait amené l’armée d’Italie, au travers de beaux faits d’armes, couronnés par la victoire de Raab ; Marmont était arrivé avec son corps du fond de la Dalmatie.

« Le plan de Napoléon, des plus vastes, des plus décisifs, embrasse l’ensemble de ses armées et les divers pays qu’elles occupent. Toutefois tant de coopérations, et à de si grandes distances, n’ont, à ses yeux et dans sa pensée, que l’unité de but et d’action. Il va jeter sa grande armée au-delà du Danube et sur la gauche de l’ennemi, pour le séparer de la Hongrie ; il l’attaquera sur le champ de bataille qu’il aura conquis, le battra et l’acculera sur la Bohême, où cet ennemi se trouvera prévenu et entouré de toutes parts. Le tout s’accomplira de point en point ainsi qu’il l’aura réglé jusqu’au moment où l’ennemi, frappé de sa situation désespérée, implorera un armistice.

« Les ordres furent donc donnés à Masséna de porter ses divisions vers la partie septentrionale de Lobau ; à Oudinot de passer, le 1er juillet, dans cette île, et de s’y établir ; à Eugène d’être rendu le 4 à Ébersdorf avec des vivres pour deux jours, et de passer les ponts sans s’arrêter ; à Davoust de ne partir que dans la nuit du 4 au 5, et de filer sur-le-champ dans l’île de Lobau ; à Bernadotte et à Bessières d’être rendus le 2 à Ébersdorf ; à Vandamme d’occuper Vienne le 2 au soir ; à Lefèvre d’envoyer Wrède à Vienne pour se réunir à la garde impériale, et de se tenir lui-même à Lintz, pour, dès que la grande armée aurait passé le Danube, entrer en Bohême par le sud, en même temps que Jérôme y entrerait de Dresde par le nord, et que Junot, de Bareuth, la menacerait par l’ouest ; enfin il n’est pas jusqu’à Poniatowski, auquel Napoléon prescrivait d’emmener ses Polonais sur Olmutz pour contenir l’archiduc Ferdinand, et d’y entraîner les Russes, si ces alliés douteux avaient la loyauté de nous servir de bonne foi.

« C’est pour les gens du métier surtout que sont intéressants et précieux les ordres donnés en cette occasion ; ils sont le programme exact des batailles qui suivirent. Jamais on n’avait vu diriger une aussi grande opération à l’avance avec autant de précision, et jamais tout n’avait été