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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/139

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dit. Heureusement l’extrême humidité l’a forcé de rentrer presque aussitôt. Il s’est fixé dans le salon, où il y avait un bon feu, il a demandé de la tisane de feuilles d’oranger et a fait quelques parties d’échecs.

Plus tard, après dîner, l’Empereur a disserté longtemps et de la manière la plus intéressante sur Jean-Jacques, son talent, son influence, sa bizarrerie, ses turpitudes privées. Il s’est retiré à dix heures.

Dans la journée, M. de Montholon a adressé la réponse officielle suivante au gouverneur, qui avait écrit touchant les commissaires des puissances et les embarras de son budget ; c’est la lettre que j’ai déjà mentionnée plus haut, le 18 de ce mois ; la voici :

Pièce officielle. – « Monsieur le général, j’ai reçu le traité du 2 août 1815, conclu entre Sa Majesté Britannique, l’empereur d’Autriche, l’empereur de Russie et le roi de Prusse, qui était joint à votre lettre du 23 juillet.

« L’Empereur Napoléon proteste contre le contenu de ce traité : il n’est point prisonnier de l’Angleterre. Après avoir abdiqué entre les mains des représentants de la nation, au profit de la constitution adoptée par le peuple français et en faveur de son fils, il s’est rendu volontairement et librement en Angleterre, pour y vivre en particulier, dans la retraite, sous la protection des lois britanniques. La violation de toutes les lois ne peut pas constituer un droit de fait. La personne de l’empereur Napoléon se trouve au pouvoir de l’Angleterre ; mais de fait ni de droit il n’a été ni n’est au pouvoir de l’Autriche, de la Russie et de la Prusse, même selon les lois et coutumes de l’Angleterre, qui n’a jamais fait entrer dans la balance des prisonniers les Russes, les Autrichiens, les Prussiens, les Espagnols, les Portugais, quoique unie à ces puissances par des traites d’alliance, et faisant la guerre conjointement avec elles. La convention du 2 août, faite quinze jours après que l’empereur Napoléon était en Angleterre, ne peut avoir en droit aucun effet ; elle n’offre que le spectacle de la coalition des quatre plus grandes puissances de l’Europe pour l’oppression d’un seul homme ; coalition que désavouent l’opinion de tous les peuples comme tous les principes de la saine morale. Les empereurs d’Autriche et de Russie, le roi de Prusse, n’ayant de fait ni de droit aucune action sur la personne de l’empereur Napoléon, ils n’ont pu rien statuer relativement à lui. – Si l’empereur Napoléon eût été au pouvoir de l’empereur d’Autriche, ce prince se fût ressouvenu des rapports que la religion et la nature ont mis entre un père et un fils, rapports qu’on ne viole jamais impunément. Il se fût