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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/201

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avantage sur les marchés de l’Europe. L’Angleterre doit donc combattre à tout prix ce monstre dévorant ; il lui faut l’attaquer par tous les bouts à la fois, l’assommer par le négatif et le positif réunis, c’est-à-dire par la réduction de ses dépenses et l’accroissement de ses capitaux.

« Ne peut-elle pas réduire l’intérêt de sa dette, les hauts salaires, les sinécures, les dépenses de l’armée, renoncer à celle-ci pour s’en tenir à sa marine ? enfin beaucoup d’autres choses encore que j’ignore et ne saurais fouiller ? Quant à l’accroissement de ses capitaux, ne peut-elle s’enrichir de tous les biens ecclésiastiques, qui sont immenses, qu’elle acquerrait par une salutaire réforme, et à l’extinction des titulaires, ce qui ne blesserait personne ? Mais qu’on prononce un mot de la sorte, et toute l’aristocratie sera sous les armes et en campagne, et elle l’emportera ; car, en Angleterre, c’est elle qui gouverne, et c’est pour elle qu’on gouverne. Elle recourra à son adage habituel : si l’on touche le moindrement aux fondements antiques, le tout va s’écrouler ; ce que la masse répète benoîtement, et toute réforme s’arrête, et tous abus demeurent, croissent, pullulent.

« Il est vrai de dire qu’en dépit d’une composition de détails odieux, surannés, ignobles, la constitution anglaise présente cependant le singulier phénomène d’un heureux et beau résultat, et c’est ce résultat et tous ses bienfaits qui attachent la multitude craintive de les perdre. Mais est-ce donc bien la nature condamnable des détails qui procure le résultat ? Non, elle le ternit au contraire, et il resplendirait bien davantage si la grande et belle machine se désencombrait de ses vices parasites, etc., etc.

« Mais voyez, après tout, continuait l’Empereur, où peut conduire pourtant le système des emprunts et combien il est dangereux ; aussi n’y ai-je jamais voulu entendre chez nous, où les avis étaient partagés. J’y suis demeuré constamment et opiniâtrement opposé.

« On a dit dans le temps que je ne faisais point d’emprunt faute de crédit, parce que je n’eusse point trouvé de prêteurs ; c’était faux. Ce serait bien peu connaître les hommes et l’agiotage que d’imaginer qu’en présentant des chances et l’appât du jeu, on n’eût pas toujours trouvé à remplir ses emprunts ; seulement, c’est que cela n’entrait pas dans mon système, et j’avais cherché à le consacrer comme base fondamentale, en fixant par une loi spéciale le montant de la dette publique à ce que l’on avait généralement pensé devoir être utile à la prospérité générale, à 80.000.000 de rente pour ma France dans sa