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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/202

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plus grande étendue, et après la réunion de la Hollande, qui elle seule l’avait accrue de 20.000.000. Cette somme était raisonnable et utile ; toute autre plus forte devenait nuisible. Et qu’est-il arrivé de ce système ? Voyez quelles ressources j’ai laissées après moi ! La France, après tant de gigantesques efforts, après de si terribles désastres, ne demeure-t-elle pas la plus prospère ? Ses finances ne sont-elles pas les premières de l’Europe ? À qui et à quoi le doit-on ? J’étais si loin de vouloir manger l’avenir ; que j’avais la résolution de laisser un trésor ; j’en avais même déjà un, et j’y puisais pour prêter à des maisons de banque, à des familles embarrassées, à des personnes placées auprès de moi.

« Non seulement j’eusse maintenu avec soin la caisse d’amortissement ; mais je comptais encore avoir, avec le temps, des caisses d’activité, dont les sommes croissantes eussent été consacrées aux travaux et améliorations publics. Il y aurait eu la caisse d’activité de l’empire pour les travaux généraux, la caisse d’activité des départements pour les travaux locaux, la caisse d’activité des communes pour les travaux municipaux, etc. »

Enfin, dans une autre occasion encore, l’Empereur disait gaiement : « L’Angleterre est réputée pour trafiquer de tout ; que ne se met-elle à vendre de la liberté ? on la lui achèterait bien cher et sans lui faire banqueroute, car la liberté moderne est essentiellement morale et ne trahit pas ses engagements. Par exemple, que ne lui paieraient pas ces pauvres Espagnols pour se délivrer du joug sous lequel on vient de les rebâter ? Je suis sûr qu’on les y trouverait bien disposés, j’en ai les preuves ; et c’est pourtant moi qui aurai créé ce sentiment : encore ma bévue du moins aura-t-elle profité à quelqu’un. Quant aux Italiens, j’y ai implanté des principes qu’on ne déracinera plus ; ils fermenteront toujours. Qu’aurait de mieux à faire l’Angleterre aujourd’hui que de donner la main à ces beaux mouvements de la régénération moderne ? Aussi bien faudra-t-il tôt ou tard qu’elle s’accomplisse. C’est en vain que les souverains et les vieilles aristocraties multiplieraient leurs efforts pour s’y opposer ; c’est la roche de Sisyphe qu’ils tiennent élevée au-dessus de leurs têtes : mais quelques bras se lasseront, et, au premier défaut, tout leur croulera dessus. Ne vaudrait-il pas mieux traiter à l’amiable ? c’était là mon grand projet. Pourquoi l’Angleterre se refuserait-elle à en avoir la gloire et à en recueillir le profit ? Tout passe, en Angleterre comme ailleurs. Le ministère Castlereagh passera, et celui qui lui succédera, héritier de tant