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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/300

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louable de nos mœurs ; à la grâce, à la légèreté qu’elles requéraient dans le pouvoir, si celui-ci est tenté d’oser les manier.

« Dans mon système, observait-il, de mêler tous les genres de mérites, et de rendre une seule et même récompense universelle, j’eus la pensée de donner la croix de la Légion-d’Honneur à Talma ; toutefois je m’arrêtai devant le caprice de nos mœurs, le ridicule de nos préjugés, et je voulus au préalable faire un essai perdu et sans conséquence : je donnai la couronne de fer à Crescentini. La décoration était étrangère, l’individu aussi ; l’acte devait être moins aperçu et ne pouvait compromettre l’autorité, tout au plus que lui attirer quelques mauvaises plaisanteries. Eh bien, résumait l’Empereur, voyez pourtant quel est l’empire de l’opinion et sa nature : je distribuais des sceptres à mon gré, l’on s’empressait de venir se courber devant eux, et je n’aurais pas eu le pouvoir de donner avec succès un simple ruban, car je crois que mon essai tourna fort mal ! – Oui, Sire, ai-je répondu, très mal. Il fit grand bruit dans tout Paris ; il emporta l’anathème de tous les salons ; la malveillance s’en donna à cœur joie et fit des merveilles. Cependant, dans une des belles soirées du faubourg Saint-Germain, l’indignation qu’elle avait créée se trouva noyée tout à coup par un bon mot. C’était une abomination, disait un beau parleur, une horreur, une véritable profanation. Et quel avait pu être le titre d’un