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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/337

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l’aîné, le prince Louis, a été tué quelques instants avant la bataille d’Iéna ; la duchesse de Cumberland, veuve d’un frère du roi d’Angleterre, etc., etc.

Lorsque Louis XVI, acceptant solennellement la constitution, recomposa sa maison, la princesse reçut une lettre officielle de la reine pour l’engager à reprendre auprès d’elle ses fonctions de surintendante. La princesse prit l’avis de ses vieux conseillers, qui tous pensèrent que, la reine n’étant point libre et le danger pouvant être grand à Paris, il ne fallait pas s’y rendre, et regarder la lettre de la reine comme non avenue. La princesse ayant demandé ailleurs ce qu’on en pensait, on eut le malheur de répondre : « Madame vous avez partagé les prospérités de la reine, il serait bien beau de lui montrer de la fidélité, surtout aujourd’hui que vous avez cessé d’être sa favorite. » La princesse avait le cœur élevé, les affections tendres, la tête volontiers romanesque ; elle déclara le lendemain qu’elle partait pour Paris. Cette malheureuse princesse retourna donc dans la capitale avec pleine connaissance du péril ; elle est tombée illustre victime de sa générosité et de ses beaux sentiments. Mes parents m’avaient offert à elle ; un moment je dus la suivre. Ma jeunesse et le peu d’instants que j’avais paru à Paris eussent pu me laisser auprès d’elle à peu près inconnu, et j’aurais peut-être pu être utile ; mais, au moment du départ, la princesse y vit des inconvénients, et me commanda d’y renoncer : toutefois je demeurai son nouvelliste. Je lui mandais tous les deux jours, de la meilleure foi du monde, les histoires et les contes ridicules de tout genre dont on flattait nos illusions, et que nous ne manquions pas d’adopter avec la foi la plus robuste. Je les lui mandais encore, que nous étions déjà en campagne ; je les lui mandais encore, qu’elle n’était déjà plus !… À la douleur extrême que je ressentis de son effroyable destinée dut se joindre quelque temps la crainte secrète d’y avoir contribué peut-être par mes bulletins. Et le hasard fait, ajoutais-je à l’Empereur, que je me trouve avoir ici quelques lignes qu’elle traçait peu de jours avant la hideuse catastrophe dont elle nous a laissé l’horrible souvenir ; elles sont datées du haut de mon donjon : c’était ainsi qu’elle appelait précisément le pavillon de Flore qu’elle occupait en cet instant aux Tuileries.


On enlève quatre des nôtres – Premières années de l’Empereur.


Vendredi 18.

Je n’ai vu l’Empereur qu’à cinq heures ; il m’a fait appeler dans le salon. Il continuait à n’être pas bien ; cependant il avait travaillé avec le