Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/579

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puisse vivre ? qu’on la fasse sur les propriétés du colonel Smith ou bien à Rosemary-Hall. Mais je parie que ces offres ne sont que d’odieuses impostures. Tenez, dit-il, en m’amenant près des fenêtres, j’ai fait remplacer les rideaux par une paire de draps ; ces rideaux étaient si sales, que je ne pouvais plus les loucher. E un trist’ uomo e peggio dell’ isola. Voyez sa conduite envers cette pauvre madame Bertrand ; il l’a privée du peu de liberté dont elle jouissait ; on ne peut plus venir la voir. Cependant la compagnie était une distraction nécessaire à cette dame, sur cet affreux rocher ; et c’est parce qu’elle a écrit, sans le prévenir, au marquis de Montchenu, que cette restriction est imposée ! »

13. — J’ai communiqué à Hudson Lowe ce que m’a répondu Napoléon. Cette communication n’a pas paru lui plaire ; il m’a objecté que dans les lieux désignés il ne pourrait pas exercer sa surveillance aussi facilement. » Au contraire, lui ai-je répondu ; cela serait beaucoup plus facile, puisqu’il serait placé au milieu de votre état-major : les lieux nommés par Napoléon sont entourés de hauts rochers, inégaux entre eux ; des piquets pourraient être placés et rapprochés de ces lieux : ils empêcheraient toutes les tentatives d’évasion. Napoléon, que la vue de la garde afflige, ne la verrait pas. » Le gouverneur consentit d’abord ; mais l’instant d’après il songea qu’il ne saurait où loger le commissaire autrichien, qui s’était établi à Rosemary-Hall. Je fis observer qu’entre les commodités du baron Sturmer et celles du principal détenu il n’y avait pas à balancer. Le gouverneur ne me répondit pas.

Napoléon souffre beaucoup des dents. J’ai déjeuné avec lui. Pendant le déjeuner, il m’a entretenu des commissaires. « Madame Sturmer m’a-t-elle vu à Paris ? — Oui, lui dis-je, et elle désire beaucoup vous être présentée. — Je veux bien les recevoir tous ; mais qu’ils viennent comme de simples particuliers. Je serai charmé de recevoir cette dame. »

« Votre gouvernement nous a envoyé des habillements. Mais ce geôlier en fait une insulte, et nous les envoie d’une façon avilissante. Nous les recevons sans être aucunement consultés, comme s’il jetait une aumône à des mendiants, ou des habits à des condamnés. Veramente ha il cuore di boja ; nul au monde, à la place de ce boja, n’essayerait sans nécessité d’augmenter nos misères. Ses mains souillent tout ce qu’elles touchent. »

Sir Hudson Lowe est venu à Longwood, et a eu avce Napoleon une très-courte entrevue.