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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/737

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ses bras. — Elle a été toute sa vie une excellente femme, une mère sans égale ; elle m’a toujours aimé. Vous l’avez laissée bien affligée, n’est-il pas vrai ? — Elle retenait d’abord avec peine son émotion : mais elle est bientôt revenue à elle-même ; elle a montré un courage, une force d’âme au-dessus de l’humanité. — Je suis sûr qu’elle n’eût pas craint les fatigues que vous avez essuyées. Va-t-elle en société ? — Quelquefois chez ses fils ou chez Son Éminence. — Le cardinal la voit-il souvent ? — Plusieurs fois par jour. — Ses fils ? — Presque tous les jours. — Pauline ? — Moins fréquemment ; ses indispositions la retiennent. — Que pensez-vous de sa maladie ? — Je n’en connais pas la nature. — Vous connaissez particulièrement tous les individus de ma famille qui résident à Rome ? Comment sont-ils ? Que disent-ils de moi ? — Toutes leurs pensées sont concentrées sur Sainte-Hélène ; ils n’aspirent qu’à votre délivrance.— Exposez-moi avec précision tout ce dont les uns elles autres vous ont chargé pour moi : que vous a dit ma mère ? — Qu’elle, ses enfants, sa fortune étaient à votre disposition ; qu’au moindre signe elle se dépouillerait de tout, dût-elle endurer la plus profonde misère. — Le prince de Canino ? — Qu’il s’était entendu avec Joseph ; que chacun d’eux viendrait passer trois années auprès de Votre Majesté, si vous ne le trouviez pas mauvais. — Pauline ? — Qu’elle n’attendait que vos ordres pour accourir auprès de Votre Majesté. — Nous y penserons. » Il souriait, se tut et ajouta : « Je ne souffrirai pas qu’aucun membre de ma famille vienne recueillir les outrages des Anglais, voir les insultes que me prodigue ce sicaire. Je ne veux pas qu’aucun d’eux soit témoin de tant d’indignités, c’est assez que je les endure. » Et changeant tout à coup de discours : « La signera Letizia est-elle toujours aussi fraîche ? — Elle est toujours très-bien. — Et Pauline, est-elle encore jeune et belle ? « — Toujours. — Elle n’a jamais eu d’autre affaire que la toilette et les plaisirs. Louis et Lucien se voient-ils ? — Ils se rencontrent fréquemment chez Madame Mère. — Ont-ils société ? — Le prince de Canino reçoit quelques personnes choisies. Louis vit dans la retraite. — Il donne dans la dévotion, le croyez-vous ? — Je l’ai ouï dire ; il passe même pour bigot. » L’Empereur rit : « Que pensez-vous de sa santé ? — Elle est dans une situation déplorable ; les remèdes n’y peuvent désormais plus rien. — Quel beau jeune homme c’était lors de ma première expédition d’Italie ! Sa timidité l’a perdu. Quel malheur que je n’aie pas été prévenu à temps ! Il serait sain et sauf aujourd’hui, il aurait rempli sa destinée ; la douleur ne l’eût pas enlevé