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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/794

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celui d’endormir, de calmer l’imagination. Voilà pourquoi les anciens s’étaient affublés de robes, de vêtements qui frappent et qui imposent. « Vous avez abandonné le costume, c’est à tort : vous avez mis à découvert l’imposture de Gallien, vous n’agissez plus avec la même force sur les malades. Qui sait ? si vous-même réapparaissiez tout à coup avec une perruque énorme, une toque, une queue traînante, peut-être vous prendrais-je pour le dieu de la santé, et pourtant vous n’êtes que celui des remèdes. » L’Empereur craignait que je ne revinsse à la charge ; il éludait, il plaisantait : mais la gaieté soulage aussi les maux, je l’entretins le plus qu’il me fut possible.

15. — L’Empereur a passé tranquillement la nuit dernière.

17. — L’Empereur se trouve un peu mieux ; les forces reviennent. La promenade est suivie d’un heureux résultat. Au coucher du soleil, le malade éprouve un sentiment de langueur générale, qui est dissipée par un peu de nourriture.

18. — L’Empereur est descendu, s’est promené au jardin quelques instants, et s’est remis au lit sur les huit heures.

21. — L’Empereur se trouve assez bien. Il prend un bain. Il descend au jardin, se promène en discourant sur les facilités, les obstacles qu’il avait rencontrés à l’époque du consulat. Les armées étaient découragées, rejetées sur la ligne du Var : l’ennemi touchait à la frontière, nous étions menacés d’une invasion ; mais la population courut aux armes, tout s’ébranla, nous marchâmes, et la France fut sauvée. Napoléon en trait dans les plus petits détails ; il parlait de Vallongues, de ses rapports, de l’esprit dont le Midi était animé. Le tableau s’accordait peu avec les révélations qu’un noble émigré avait faites à la tribune, et la levée de boucliers que déconcerta l’inconcevable journée de Marengo. Le marquis s’était sûrement mépris sur les nombres ; quand on a vingt-cinq mille hommes et du courage, on ne se cache pas, on n’attend pas pour sonner la charge que l’ennemi ait vidé le champ de bataille.

22. — L’Empereur se trouve beaucoup mieux. Il a repris de l’appétit, des forces, et s’est livré pendant quatre heures à un travail sérieux. Il avait retenu le grand maréchal et sa famille à dîner ; il était heureux. La douleur avait sommeillé une journée entière, elle pouvait ne pas se réveiller ; il était plein d’espérances. « Une fois rétabli, je vous rends à vos études ; vous passerez en Europe, vous publierez vos travaux ; je ne veux pas que vous vous consumiez sur cet affreux rocher. Vous m’avez dit, je crois, que vous ne connaissiez pas la France ; vous la