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Page:Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/861

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Celui que vous allez séduire. — Qui ? moi ? — Vous. » Il déroula le lambeau où étaient les calculs : « Quel est cet X ? — L’inconnue. — Vous vous moquez, monsieur ! Écrivez qu’il se moque. » Le secrétaire écrivit, l’homme de police continua : « Ma correspondance m’avait mis au fait, je savais tout avant que vous arrivassiez ? » J’étais étonné, stupéfait de cette affreuse industrie : il prit mon silence pour un aveu, et me pressa d’autant plus. Il avait deviné du premier coup, il surveillait les factieux, il n’y en avait pas un dont il ne pût dire les espérances. Mais comment pouvais-je m’associer à ces complots ? On m’avait abusé, il était disposé à faire la part de l’âge, de l’inexpérience. Quels étaient ces X, Y, Z ? Pour X, il le touchait au doigt ; cependant il était bien aise d’apprendre de moi qu’il avait rencontré juste. D’ailleurs il était arrêté. « X ? — La nuit passée, quatre carabiniers… — L’ont saisi ? — Jeté à la citadelle. Y et Z sont sûrement en fuite. — Vous croyez ? — Et ne peuvent échapper. — Comment cela ? — J’ai dépêché à Milan, envoyé à Bologne. Eh bien ! » Il épiait le jeu de ma figure. « Devinai-je ? — Parfaitement. — Y, c’est *** ? — Non. — Non, non, c’est *** que je voulais dire ; et ce Z, vous pensez peut-être, parce qu’il est plus éloigné, que je ne l’aperçois pas ? Vous vous trompez, c’est… Allons, convenez-en ? — Qui ? — Vous savez, cet homme… Comment ! il a une blessure, je ne me trompe pas, une envie au front ? — Du tout, rien. Mais c’est trop prolonger vos surprises ; transformer un problème en conspiration ! voir des conjurés dans des X, des Y, chercher à me surprendre des noms ! Allez, monsieur Roassio ; on est moins indigne au coin d’un bois. » Je gagnai la porte, on ne s’y opposa pas, je me retirai ; mais je n’étais pas à l’hôtel, que ses sbires me cherchaient déjà ; je les suivis. Je fus conduit devant le commissaire, qui, tout méditatif, tenait à la main la lettre qu’il m’avait prise. « Je l’ai trouvée, je la tiens, elle est là ; oui, j’ai la clef, les deux pièces s’expliquent l’une l’autre. Allons, monsieur, une dernière fois, voulez-vous avouer ? — « Quoi ? — Le complot dont j’ai la preuve. Le projet, la corruption dont vous avez écrit l’aveu. — Moi ! — Vous. Lisez : Reste à déterminer Y, Z. Ils hésitent donc encore ? c’est pour les entraîner, les corrompre que vous voulez arriver à eux ? — Allons, monsieur, c’est aussi trop abuser du pouvoir ! imaginer des conspirations à propos d’un exercice de collége ! — De collége ! — Eh ! sans doute. — Vous vous oubliez, monsieur, vous cherchez à en imposer à un magistrat. Il n’est pas question de cela dans les colléges : je n’en ai jamais oui parler. Pourquoi êtes-vous allé à Sainte-Hélène ? — Parce que cela me