Aller au contenu

Page:Lauris - L’Écrin du rubis, 1932.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
17
L’ÉCRIN DU RUBIS

générale » que nous réalisons non seulement en notre allure et nos mouvements, mais aussi dans « les mousselines, les gazes, les vastes et chatoyantes nuées d’étoffes dont cette Idole s’enveloppe ».

Quelle chaleur d’accent dans ce qu’il en dit : « Quel poète, écrit-il, oserait, dans la peinture du plaisir causé par l’apparition d’une beauté, séparer la Femme de son costume ? Quel est l’homme qui n’a pas joui de la manière la plus désintéressée d’une toilette savamment composée et n’en a pas emporté une image inséparable de la beauté de celle à qui elle appartenait, faisant ainsi des deux, de la Femme et de la robe, une totalité indivisible ? » Le nu lui était d’une placidité froide, qui ne l’émotionnait pas autrement qu’une statue de marbre dans un musée. Il éveillait en lui l’admiration esthétique, mais glaçait son désir. De même que selon Pascal, « l’âme du plaisir est dans la recherche du plaisir », pour Baudelaire, c’est dans la soif du mystère de sa parure, que réside notre ardente concupiscence de la Femme. Le mundus muliebris lui devint le paradis de sa volupté. Il y promenait la fièvre haletante de son instinct maîtrisé par une discipline qui le bridait dans ses fins naturelles. Si la chair était son vœu inavoué, il en savourait la réalisation dans la seule accointance subtile de tous ses sens avec les voiles, les aguiches vestimentaires, le décor magique où cette chair avait déposé son reflet, sa caresse, sa chaleur, ou qui étaient comme la spiritualité de ses