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Page:Lauris - L’Écrin du rubis, 1932.djvu/20

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L’ÉCRIN DU RUBIS

lignes. La précocité de cette expérience, la délectation qu’il y prenait, et qui s’accroissait des progrès de ses sens dans l’analyse de leurs impressions, lui firent ainsi une réalité vivante de ce qui n’était qu’un monde de fictions.

Quand il avait assisté au déshabiller de la femme qu’il désirait, joui de toutes les approches du mystère, sous les cercles d’ombre où se cueille le fruit défendu, j’imagine qu’il n’en souhaitait plus rien que de la rhabiller. Contemplation lui valait possession. Telles notes de lui comme celle-ci : « Un chapitre sur la toilette. Moralité de la toilette ; les bonheurs de la toilette », disent assez, avec ce qu’il a écrit des enchantements de la Mode et de l’art du maquillage, qu’il ne devait demander aux femmes que l’excitation cérébrale d’une évocation sensible. La possession rompt le charme pour qui ne goûte dans le désir charnel qu’une forme de l’intellectualité, une appétence de l’imagination, la curiosité de ce qui se dérobe et se cache. C’est vraisemblablement l’explication de l’aventure du poète des Fleurs du Mal, avec la belle Apollonie Sabatier. Après l’avoir couvée du plus violent désir pendant cinq ou six ans, dévêtue du regard tant de fois quand il venait la voir avenue Frochot, ses baisers se glacèrent sur sa bouche dès la seconde nuit qu’elle lui accorda.