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Page:Lauris - L’Écrin du rubis, 1932.djvu/191

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L’ÉCRIN DU RUBIS

Élancées, effilées et longues, la tête petite sur un cou de cygne, la croupe, les hanches et la gorge dans une rectitude linéaire où s’efface toute distinction de sexe, êtres chimériques et troublants par l’incertitude de leur nature, ces beautés étranges nous trouvent à leurs genoux ou nous passent sur le corps à toutes les pages des catalogues qui servent leurs caprices : ici descendant de leur Rolls, là gravissant quelques marches de marbre rose, ou faisant onduler une jupe de voile ou de crêpe au vent de la plage ; et nos yeux s’alanguissent aux mêmes visions de ce rêve de Verlaine au Bal :

Un rêve de cuisses de femmes
Ayant pour ciel et pour plafond
Les c… et les c… de ces dames
Très beaux qui viennent et qui vont.

De l’illustration de la Mode, cette manière de fouetter notre sensualité est passée à l’écran. La jambe y dispute au visage, là aussi, le prix des grâces et de la séduction. Comment eût-il ignoré qu’elle a le pouvoir d’une incantation et oublié la soumission dévote où elle nous asservit ? Comment n’eût-il pas exploité dans l’intrigue d’une action la part qu’elle a dans l’intrigue de la vie ? Ces joies cérébrales attachées à la vue des ravissantes colonnes de ce portique mouvant, la secousse charnelle d’une éclaircie sous la jupe dont les pans nous frôlent le visage et jettent à notre odorat la respiration des