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Page:Lauris - L’Écrin du rubis, 1932.djvu/225

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L’ÉCRIN DU RUBIS

de cet idéal dépravé dont mon amie réalise le type au suprême degré. Car, par une heureuse rencontre, son académie sert à souhait le sens aigu qu’elle a de l’esthétique présente du corps féminin et son désir d’en être une incarnation vivante. Imaginez Ida Rubinstein à vingt ans avec sa silhouette interminable, cette maigreur préraphaélique que Baudelaire déclarait plus nue et plus indécente que la graisse, ses bras minces prêts à se briser, ses jambes fines et juchant haut des fesses toutes juvéniles, son visage aux yeux clairs et délibérément énigmatique. Voyez-la alanguie, amollie dans une atmosphère d’indolence et de parfum. Aussi bien serais-je en peine de trouver quelques termes appropriés au sentiment que j’ai de l’étrangeté de son attrait. Je m’en rapporterai pour l’exprimer à ce conseil du poète des Fleurs du Mal : « Ne médisez jamais de la grande nature ; et si elle vous a adjugé une maîtresse sans gorge, dites : Je possède un ami avec des hanches ; — et allez au temple rendre grâce aux dieux. »

Cette stylisation qui, depuis la morbidesse sensuelle des portraits mondains de La Gandara et de Boldini, s’applique, à travers les retouches les plus audacieuses de nos lignes, aux recherches d’une volupté avide d’inextinguibles luxures, Nicole la parfait par toutes les ressources d’une coquetterie raffinée et d’un maquillage savant qui se proposent, dans toute la mesure du possible, d’éloigner la Femme de son état de nature. Pour