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Page:Lauris - L’Écrin du rubis, 1932.djvu/35

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L’ÉCRIN DU RUBIS

réduit obscur, je m’enhardissais, accroupie à ses pieds, à aventurer une main sous sa robe, me délectant au toucher des broderies de son jupon et de son pantalon. Quand la circonstance y était bien propice, redoublant de prudence et me tapissant sur mes pattes dans la posture la plus raccourcie, ma camarade debout et me tournant le dos, je passais tout doucement ma tête sous ses jupes ; alors là, le visage à deux doigts de son petit derrière enveloppé dans l’échancrure polissonne du pantalon, j’éprouvais une joie singulière à me griser de la tiédeur ambrée dégagée par le corps et de l’odeur de linge frais à laquelle se mêlait un fumet sauvagin.

Tous mes sens entraient à la fois en exercice : c’était la possession en esprit, secrète et d’autant plus savourée, que le plaisir en était dérobé et sans partage. S’il y a dans cet égoïsme qui est le propre de la délectation morose et, je le crois aussi, la tonalité la plus relevée du plaisir, une aggravation de libertinage, j’ai bien souvent mérité les verges. Mais comment me défendrais-je d’un péché qui me met en compagnie de la spirituelle et aristocratique Amazone de R. de G…, la douce, la pieuse choéphore de Renée Vivien ? Ne s’est-elle pas demandé, un jour qu’elle avait penché sa jolie tête sur le miroir de Narcisse : « Joie partagée : joie augmentée ou joie diminuée ? » S’il me fallait choisir la main suave qui dût me châtier, avec quelle joie je lui abandonnerais mon corps ferme et blanc pour qu’il fût le mannequin de sa