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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/107

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AU PAYS DES PARDONS


« — Ainsi elle cria, quand je dénouai violemment ses bras nus, enlacés à mon corps ! »

Et, tout bas, il murmurait Ahès ! Ahès !…

Ils marchèrent tant, que le meuglement des eaux n’arrivait plus jusqu’à eux. Mais leur souffle salé les enveloppait toujours, et il s’y mêlait un parfum d’herbes rares, une odeur que le vieux roi reconnaissait pour l’avoir respirée, la veille encore, dans les cheveux dorés de sa fille. Il se rappela le baiser qu’il avait coutume de déposer, le matin, sur son front frais et poli comme un jeune ivoire. Il se rappela aussi de quel air elle lui souriait, — et combien elle était caressante, la lumière qui brûlait au fond de ses yeux !… C’était maintenant une nuit épaisse. Les pieds des chevaux foulaient une mousse humide, en forêt, sous de hautes frondaisons noires, à peine ondulantes, comme figées dans l’horreur des mystères antiques que des druides y célébrèrent. Soudain, sur les confins de ce pays boisé, à la lucarne d’une hutte, une clarté brilla. Primel l’anachorète demeurait là, Primel qu’on disait contemporain du Christ.