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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/108

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RUMENGOL, LE PARDON DES CHANTEURS


« — Reposons jusqu’à l’aube à l’ombre de ce saint homme, » prononça Gwennolé. « J’ai l’espérance, ô roi, qu’un calme réparateur te viendra de lui. »

Celui dont le moine parlait en ce langage presque biblique était debout dans la cabane, et, à l’approche des deux voyageurs, il ne bougea pas plus que s’il n’eût point été vivant. Sa lourde robe de bure était comme incrustée dans sa chair. Le plissement rugueux de l’étoffe, les moisissures vertes dont elle était marbrée par endroits lui donnaient l’aspect d’une vieille écorce, et tout le corps de l’ermite se dressait, immobile et noueux ainsi qu’un tronc d’arbre. Sa tête semblait sculptée au-dessus, à coups de hache, par un artisan malhabile, un fabricant d’idoles barbares. Mais quelle vierge aux doigts divins avait filé ses cheveux d’argent, ses cheveux si ténus que les araignées se trompaient jusqu’à les insérer dans leurs trames ? De son cou partaient deux maîtresses-branches, qui étaient ses bras, étendus dans un geste de bénédiction, et sur qui le faîtage de la hutte s’étayait — eût-on dit — depuis des siè-