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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/110

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RUMENGOL, LE PARDON DES CHANTEURS

les piverts creusent dans l’épaisseur des chênes.

Gwennolé ; en entrant, se prosterna devant le solitaire, Gralon s’accroupit sur un amas de feuilles mortes que les premiers vents d’automne avaient balayées dans un coin de la hutte. À peine s’y était-il laissé tomber, qu’une torpeur étrange se répandit à travers ses veines, comme un calmant mystérieux. Jamais il n’avait éprouvé cette douceur de repos, pas même au temps où, après ses grandes chevauchées de guerre, il s’allongeait si voluptueusement sous les courtines de son lit de Ker-Is tapissé de fourrures de fauves. La douloureuse voix qui, depuis la catastrophe, gémissait en lui s’apaisa peu à peu, devint une sorte de chant vague, d’une lente mélancolie de berceuse, où son âme se fondait, attendrie et tranquillisée. C’était comme si, les yeux ouverts, il se fût regardé dormir.

Les deux saints — l’anachorète et le moine — échangeaient des propos qui semblaient les versets alternés d’une oraison. On eût dit un bruissement d’eaux courantes auquel eussent répondu des frissons de ramures. Dehors, les chevaux pais-