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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/117

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AU PAYS DES PARDONS

douleurs cette honte nouvelle d’Ahès devenue un objet d’opprobre, — Ahès qui fut si longtemps la joie de ses yeux et qui aurait dû être la fleur de sa race !

Le soir d’après, même apparition, même chant ; et, pendant plusieurs nuits consécutives, il en fut ainsi. Le vieillard n’osait plus s’allonger sur sa couche ; l’obsédante image ne lui laissait pas un instant de repos. Brisé de lassitude et d’angoisse, il s’affaissait à genoux près de la croisée ouverte, et c’était son tour maintenant d’implorer sa fille :

« — Pitié ! » murmurait-il. « Ma dernière heure est proche. Ne m’empêche pas d’oublier ! Accorde-moi de mourir en paix !… »

Mais, comme lui naguère, la fée des eaux, elle aussi, se montrait sans miséricorde. À la fin, pour échapper à cette hantise, il résolut de fuir, de s’enfoncer si avant dans les terres que l’haleine même du flot marin ne pût parvenir jusqu’à lui. Il déroba un des bissacs dans lesquels les paysans du voisinage avaient coutume d’apporter à l’abbaye leurs offrandes, et, l’ayant endossé, il se mit en route au point du jour, alors que les