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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/133

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AU PAYS DES PARDONS

n’être point dépaysés, d’avoir leur garnison à portée de leurs villages ; et, disposant d’une permission de vingt-quatre heures, ils les vont passer à Rumengol, par dévotion sans doute, mais aussi parce qu’ils savent qu’ils y rencontreront leurs parents, leurs amis et — comme bien l’on pense — leurs « douces »[1]. Cette perspective et le sentiment qui s’y joint, d’une liberté momentanément reconquise, ne laissent pas de les surexciter quelque peu. Ivresse passagère, du reste, vite évaporée. La gaîté, dans notre race, n’a qu’un épanouissement rapide et se fane aussitôt. Maintenant, ils devisent entre eux gravement, semblent se concerter à mi-voix. Sur l’invitation de ses camarades, un d’eux se lève, un tout jeune homme, presqu’un adolescent. Aux lignes délicates de son visage, à ses yeux fins, couleur d’herbe roussie, on devine un pâtre des monts. Après s’être recueilli une seconde, il attaque d’une voix claire, habituée à retentir dans les grands espaces, non un refrain de chambrée, comme on

  1. C’est par cette gracieuse appellation que tes Bretons désignent la bien-aimée.