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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/14

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VIII
AVANT-PROPOS

colline. Là-bas, au loin, on chante le gwerze de Kloarek Laoudour.

Qui donc est là, sous ce hêtre ? Jénovéfa, si je ne me trompe, et Gabik, tous les deux !

— Le vent est frais sur la hauteur… Et, quand on rentre tard, Jéno, la mère gronde !… Mais voici de quoi l’apaiser : voici des amandes pour distribuer à chaque enfant, au petit frère, à la petite sœur, et à la mère et au père. J’ai perdu, je paie de bon cœur… Puisse Dieu bénir jusqu’au bout vos amours !… Ne rougissez pas ainsi ! Avant trois mois, le recteur vous mariera dans son église !

Voilà bien, dans ses traits essentiels, la physionomie d’un pardon. Qui en connait un les connait tous. Ils sont innombrables. Chaque oratoire champêtre a le sien, et je pourrais citer telle commune qui compte sur son territoire jusqu’à vingt-deux chapelles. Chapelles minuscules, il est vrai, et à demi souterraines, dont le toit est à peine visible au-dessus du sol. Il en est, comme celle de saint Gily, en Plouaret, qui disparaissent au milieu des épis, quand les blés sont hauts. Ce ne sont pas les moins fréquentées. Un proverbe breton dit qu’il ne faut pas juger de la puissance du saint d’après l’ampleur de son église. Beaucoup de ces sanctuaires tombent en ruines. Le clergé n’a pas toujours pour eux la sollicitude qu’il faudrait, si même il ne tient pas en suspicion la dévotion vaguement orthodoxe et toute pénétrée encore de paganisme dont ils sont l’objet. Mais, n’en restât-il debout qu’un pan de mur envahi par le lierre et les ronces, les gens d’alentour continuent de s’y rendre en procession, le jour