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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/15

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IX
AVANT-PROPOS

de la fête votive. Le pardon survit à la démolition du sanctuaire. L’été dernier, comme j’allais de Spézet à Châteauneuf-du-Faou, je vis sur le bord du canal, à l’endroit où la route franchit l’Aulne, une grande foule assemblée.

« — Que fait là tout ce monde ? demandai-je au conducteur.

« — C’est le pardon de saint Iguinou », me répondit-il.

Je cherchai des yeux la chapelle, mais en vain. Il y avait seulement, en contre-bas du pré, une fontaine que voilaient de longues lianes pendantes, et, un peu au-dessus, au flanc du coteau, dans une excavation naturelle en forme de niche, une antique statue sans âge, presque sans figure, un bâton dans une main, dans l’autre un bouquet de digitales fraîchement coupées. Nul emblème religieux ; pas l’ombre d’un prêtre. Le recueillement néanmoins était profond. C’étaient les fidèles eux-mêmes, si l’on peut dire, qui officiaient…

Il faut être né de la race, avoir été bercé de son humble rêve, pour sentir quelle place immense occupe dans la vie du Breton le pardon de sa paroisse ou de son quartier. Enfant, il y est mené par sa mère, en ses beaux vêtements neufs, et des vieilles semblables à des fées lui baignent le visage dans la source, afin que la vertu de cette eau sacrée lui soit comme une armure de diamant. Adolescent nubile, c’est là qu’il noue amitié avec quelque « douce » entrevue naguère, toute mignonne, sur les bancs du catéchisme et qui, depuis lors, a poussé en grâce, comme lui en vigueur. Là il se fiance, se donne tout entier, sans phrases, dans