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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/145

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AU PAYS DES PARDONS

que Notre-Dame de Rumengol vous tienne en joie !

Comme nous approchons du gourbi, ils nous aperçoivent, et hèlent le soldat.

« — Ohé ! Bragou-rû[1], trinque avec nous ! »

Une fillette en bonnet de velours verse du cidre à plein pichet. Et le bragou-rû de me planter là, pour s’attabler sous le ciel nocturne avec la troupe en goguette des cols-bleus. Je continue à descendre le sentier ; l’interminable chanson de bord, un moment interrompue, reprend de plus belle. Seulement, aux voix avinées des marins, une autre voix maintenant se mêle, les dominant toutes — une voix d’enfant de chœur, d’une merveilleuse sûreté de timbre, et qui, à chaque retour du refrain, part en fusées aiguës, éparpillant les notes dans l’espace, avec une alacrité d’alouette :

Entre Brest et Lorient,
Leste, leste ;
Entre Brest et Lorient,
Lestement !…

L’éloignement ne me permet plus de percevoir

  1. Pantalon rouge.