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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/147

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AU PAYS DES PARDONS

fait tressaillir au loin les échos vibrants de la nuit. La foule, sur la chaussée, est déjà compacte. Çà et là, un trou se creuse dans l’ondoyante mêlée c’est quelque mendiant, assis à terre à la façon d’un tailleur ou d’un bouddha, et qui brame sa plainte en agitant des amulettes, toute une ferraille bénite suspendue à son cou. On s’écarte de lui avec un respect superstitieux, non sans jeter une pièce de monnaie dans son escarcelle. Les pauvres de Rumengol composent, dit-on, une catégorie à part, une espèce de congrégation douée de facultés singulières. L’esprit des âges habite en eux : ils se meuvent sans peine dans les arcanes du passé et pénètrent très avant dans les mystères de l’avenir. Il en est parmi eux qui ont vécu plusieurs vies et dont la mémoire est restée dépositaire des grands secrets d’autrefois. La race morte des magiciens et des enchanteurs leur a légué ses prestiges, son art, ses formules. Ils savent guérir avec une parole, tuer avec un regard. Malheur à qui ne leur rend point les hommages qui leur sont dus ! On vous racontera l’histoire de ce paysan du Laz qui, ayant bousculé l’un d’eux, fut sept ans sans