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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/148

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RUMENGOL, LE PARDON DES CHANTEURS

revoir sa chaumière dans la montagne. Quelque chemin qu’il prît, il était toujours ramené à Rumengol ; à force de marcher il n’avait plus de chair sous la plante des pieds, et, lorsqu’enfin, le charme ayant cessé, il se retrouva devant sa porte, sa femme qui s’était crue veuve était enceinte d’un second mari.

On vous racontera encore ceci, qui est non moins surprenant.

À l’un des derniers pardons, une jeune fille s’en retournait chez elle, à la brune, du côté de Logonna. Par exception, il pleuvait, et elle avait ouvert son parapluie. Soudain, un homme se leva du fossé, un très vieil homme dont le dos pliait sous une moisson d’années. Il était vêtu de haillons sordides, mais à l’un des doigts de sa main gauche une émeraude brillait.

« — Pennhérès[1] », dit-il, en interpellant la jeune fille, « si vous me donniez place sous votre parapluie, je pourrais regagner mon gîte, sans me faire tremper. Je ne vais qu’à une pipée[2] d’ici et ne vous embarrasserai pas longtemps. »

  1. Héritière, fille de bonne maison.
  2. Le temps de fumer une pipe.