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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/16

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AVANT-PROPOS

un furtif serrement de mains, dans un regard. Ses émotions les plus délicates et les plus intimes se rattachent à cette pauvre « maison de prière », à son enclos moussu, planté d’ormes ou de hêtres, à son étroit horizon que borne une haie d’aubépine, à son atmosphère mystique, parfumée d’une vapeur d’encens. Vieux, il vient contempler la joie des jeunes et savourer en paix, avant de quitter l’existence, cette courte trêve à son labeur que le Génie du lieu, le saint tutélaire de son clan lui a ménagée.

Je devais à ces petits cultes particuliers une mention à cette place, précisément parce que ce n’est point d’eux qu’il va être question dans le corps du livre. Parmi la multitude des sanctuaires bretons, quelques-uns jouissent d’une célébrité qui, débordant les limites du hameau, voire celles de la contrée, s’étend au pays tout entier. On s’y rend en pèlerinage de vingt, de trente lieues à la ronde. La croyance populaire est qu’il y faut avoir entendu la messe au moins une fois de son vivant, sous peine d’encourir la damnation éternelle. Ce ne sont point, comme on le pourrait penser, des églises de ville[1], des basiliques aux somptueuses architectures, mais des oratoires modestes, peu différents de ceux dont il a été parlé ci-dessus, et que rien ne signale à l’attention du passant, si ce n’est peut-être,

  1. Sauf Notre-Dame du Bon-Secours de Guingamp et l’édifice tout moderne de Sainte-Anne d’Auray. J’avais d’abord l’intention de décrire aussi ces deux pardons qui furent jadis des plus populaires en Bretagne. Mais ils ont revêtu, depuis quelque temps, un caractère de cosmopolitisme religieux qui ne m’a pas permis de les faire entrer dans le cadre de ces études exclusivement bretonnes.