Aller au contenu

Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/156

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
135
RUMENGOL, LE PARDON DES CHANTEURS

de la nuit. Quelques uns ont dû s’accroupir à terre, leur assiette entre les genoux. Ils ne s’en indignent ni ne s’en plaignent. Un pèlerin n’est pas un commis-voyageur. Il s’installe où il trouve place, s’accommode de ce qu’on lui sert et paie ce qu’il doit en y joignant un brave merci. Je suis venu Rumengol en pèlerin de lettres et n’ai nulle envie de faire le difficile. J’aimerais toutefois un bout de banc où m’asseoir, auprès d’un trou quelconque par où respirer.

« — Montez à l’étage, » me dit l’hôtesse.

Une pièce basse, sans autre meuble qu’une table faite de quelques planches disposées sur des barriques vides en guise de tréteaux. Les convives pour atteindre aux plats sont à peu près forcés de se tenir debout. Ceux qui ont fini ou qui n’ont pas encore eu leur pitance occupent leur attente ou leur loisir à de monotones parties de cartes. À chaque fois qu’un poing s’abat sur les ais mal ajustés, les assiettes brimbalent, et les verres dansent. Les conversations sont bruyantes ; une aigre odeur de cidre répandu vous prend aux narines il y a déjà de l’ivresse dans l’air… La petite