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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/182

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RUMENGOL, LE PARDON DES CHANTEURS

de lui, que d’autres y avaient mis leur talent et qu’il n’avait eu la peine que d’y mettre son nom. Il y a beaucoup d’exagération dans ces racontars.

« Je dois dire toutefois que Plac’hik Eussa[1] — le morceau le plus achevé incontestablement de sa Télen Rumengol — est une très ancienne gwerz qu’il s’est appropriée et dont il s’est contenté d’épurer la forme. Enfant, je l’ai entendu chanter à mon père. Il la fredonnait, en poussant la navette, — et cela, sur un air si lent et si triste qu’il nous faisait pleurer tous. J’ai retenu sa méthode. Si vous êtes encore là, ce tantôt, quand arriveront les processions d’Ouessant, passez au cimetière ; vous verrez comme je lui sais tirer les larmes des yeux, à cette impassible race de forbans ! »

Nous sortons ensemble, mais sur le seuil de l’auberge nous nous séparons. Puisque cependant je l’ai réveillé de son somme, Yann en veut profiter pour commencer sa tournée dans les débits et sous les tentes. Il compte bien y écouler les exemplaires qui lui restent de sa fameuse Dispute entre l’Eau-de-Vie

  1. « La fillette d’Ouessant ».