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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/186

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RUMENGOL, LE PARDON DES CHANTEURS

le corps de son fils — grand adolescent pâle, rongé par quelque maladie incurable — qui repose, allongé en travers sur ses genoux ; elle le couve ardemment des yeux, semble le bercer, comme d’une chanson sans fin, de ses récitations obstinées de patenôtres. Et c’est en vérité une Mère aux sept Douleurs que cette femme, une pathétique et vivante image de la Piétà…

Au dehors, un chant s’élève, — une mélopée lente, en mineur, une de ces pénétrantes psalmodies bretonnes où sans cesse la même phrase revient, tantôt sourde comme un sanglot, tantôt aiguë et stridente comme le hurlement d’un chien blessé. C’est une autre veillée qui commence, la veillée des cantiques, dans le cimetière. Pèlerins et pèlerines ont pris place parmi l’herbe des morts ou sur les tertres des tombes. Juchée sur une tombe plus haute, le dos à la croix, une fille chante, — une fille de Spézet, longue et mince, le buste serré dans un corsage noir à galons de velours, la tête menue, les yeux trop grands. Une voisine accroupie à ses pieds lui souffle les premières paroles de chaque couplet qu’elle déchiffre