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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/187

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AU PAYS DES PARDONS

à mesure dans un vieux recueil d’hymnes, au vacillement fumeux d’une chandelle. La voix de la chanteuse a des vibrations singulières ; ce sont d’abord des notes basses, voilées, qu’on dirait venues de très loin et qui restent comme suspendues dans l’air ; puis, brusquement, ou du moins sans transition appréciable, le chant se précipite, s’exaspère, éclate en un grand cri rauque, de sorte que la fille est à bout de voix quand elle arrive à la fin de chaque strophe. L’assistance alors entonne le refrain, le diskân, sur un rythme large et traînant, d’une infinie tristesse. Et la chanteuse de reprendre aussitôt, sans une pause, sans une relâche. Les artères de son cou rejeté en arrière sont tendues comme des cordes sur ses joues enflammées la sueur ruisselle ; le corsage s’est dégrafé à demi sous l’effort de la poitrine ; le lacet de la coiffe s’est rompu il n’importe. Époumonée, hors d’haleine, elle s’entête à chanter. Vainement lui offre-t-on de la suppléer un instant. Elle ne veut pas. Elle redouble d’acharnement, au contraire, elle se grise, elle s’exalte. C’est presque du délire, de la fureur