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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/199

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AU PAYS DES PARDONS

bouille en un tour de main d’un peu d’eau puisée à l’auge de la cour. Les femmes redressent leur coiffe, tapotent leurs jupes et leur tablier. Des files interminables s’acheminent vers le sanctuaire. Il sort du monde de partout ; il en surgit des prés, il en descend des arbres même, des gros chênes nains sculptés par le temps en forme de sièges. La terre de Rumengol tout entière présente l’aspect d’un lit défait, d’une couche immense où des milliers d’êtres ont dormi ; et, des herbes écrasées, des grands foins foulés gardant l’empreinte des corps, un parfum monte qui embaume l’espace.

Çà et là des tas de cendres fument encore, pareils à des feux de bivouacs abandonnés.

En Juin, saison des nuits tièdes, les paysans bretons ne font point rentrer les troupeaux, les laissent paître ou ruminer en liberté sous les étoiles, pour les reposer de l’étable. Et Rumengol, avec ses eaux vives dans son vallon accidenté, est un centre renommé d’élevage. Aussi, en ce clair matin, tous les alentours de la bourgade sont-ils comme mouchetés de taches blanches, ou rousses, ou noires